Samedi 03 et dimanche 04 juin 2023 - we Spelalpi SCNaye/CAS Jaman
Histoire du blaireau qui voulait voir le ciel...
Le blaireau sentit la terre se réchauffer. Son corps sortit de la torpeur de l'hibernation. Il s'ébrouat. Le blaireau était heureux d'enfin pouvoir aller mettre son nez dehors, de voir la lumière et le ciel et d'entendre les autres animaux... la vie quoi !
Prudemment, le blaireau
sortit la tête du terrier. Ses yeux s'habituèrent à la luminosité.
Il écouta et observa : les cris des marmottes, les piaillements
des choucas, les roucoulements des lagopèdes et les « coucou,
coucou... ».
Devant lui, l'arête des Gais Alpins se dessinait dans le ciel bleu. Il la reconnaitrait entre toutes. Il est chez lui. Tout l'été, il parcourt les combes au pied des falaises calcaires. Il en connait les moindres recoins et souterrains.
Au sommet de l'arête, un chamois, fièrement, se dressait et semblait défier le vide. Quelle majesté ! Ah, si seulement le blaireau pouvait lui aussi escalader ces rochers. D'en haut, il pourrait contempler les combes de toute leur longueur, et peut-être même apercevoir le lac, les sommets à 3000 mètres et plus ? Mais les rochers acérés ne sont pas un terrain de jeu pour les blaireaux...
Le blaireau sursauta. Un petit caillou venait de rouler dans son terrier. Il dressa la tête. Un chamois se tenait sans bouger au-dessus de lui. « Bonjour blaireau. As-tu bien dormi ? », dit-il. « Bonjour chamois. Tu m'as surpris. Oui, je viens de me réveiller et j'admirais tes copains chamois qui traversent l'arête. Ce doit être rudement beau de là haut ?! S'il te plait, serais tu d'accord de m'y emmener ? ».
« Un blaireau sur l'arête des Gais Alpins ?! On aura tout vu ! Mais pourquoi pas. »
Le chamois emmena son ami le blaireau au début de la première escalade. Il le relia à lui par une corde afin de le préserver d'une chute qui pourrait lui être fatale. Le blaireau admira avec quelle aisance le chamois pouvait bondir de rocher en rocher, comment il parvenait à s'accrocher aux aspérités de la montagne. Leste, rapide, il enchaina les pas et les sauts avec une facilité déconcertante. « A toi ! » cria le chamois au blaireau, qui n'était plus tout à fait certain de vouloir grimper sur ces cailloux. Quelle folle idée. « Bon, j'y suis, j'y vais » se dit-il.
Les petites pattes du blaireau avaient du mal à saisir les recoins de rochers pour se hisser. Ses ongles ripaient. Son corps dodu se glissait difficilement dans les cheminées. Plusieurs fois, il glissa et retomba...aie. Heureusement, le chamois était vigilant, et la corde se tendait et retenait le pauvre blaireau dans sa chute. Tenace, le blaireau s'accrocha. Il compris comment passer d'un rocher à l'autre, comment attraper les anfractuosités dans la paroi, comment utiliser les appuis de ses quatre pattes afin de s'élever vers le sommet. Le blaireau était tellement concentré à sa progression qu'il ne pensait plus à son objectif. Soudain, il sentit le vent lui fouetter la truffe. Son horizon s'ouvrit subitement, immense. Il venait d'atteindre le sommet ! Il en eut le souffle coupé. « Comme c'est beau ! ». D'un regard il embrassa toute la combe. Il dominait les prés et les chemins, et les chalets. Il pouvait compter les vaches d'alpages, surprendre les marmottes courant d'un terrier à l'autre. Certains choucas, même, passaient en-dessous de sa hauteur. Quelle beauté ce paysage. Quel bonheur cette sensation de surplomber le monde et quelle fierté d'avoir gravit cette montagne. Le blaireau ne regarderait plus jamais les Gais Alpins de la même façon.
« Chamois, tu m'as fait cadeau d'un immense bonheur en m'ouvrant la voie sur cette arête. Les rochers et parois sur lesquels tu déambules avec tant d'aisance sont majestueux. La vue du sommet de tes montagnes est irremplaçable. Mais sais tu que ces belles montagnes rocailleuses et verdoyantes recèlent aussi de merveilleuses richesses souterraines ? Laisse moi, à mon tour, te faire découvrir un domaine qui t'est inconnu ». Le chamois, curieux de nature, ne se le fit pas dire deux fois. Il suivit le blaireau.
Le blaireau choisit une galerie dans laquelle le chamois pourrait facilement s'introduire. La Grotte du Glacier n'a pas de secret pour lui. Ce sera idéal.
Rapide dans son terrain de jeu préféré, le blaireau se faufila et disparu après le premier contour de galerie. Le chamois n'était pas très rassuré : il fait froid, humide et sombre et en plus, c'est boueux ! Hardi, il s'enfonça plus avant dans la montagne sur les pas du blaireau. Il le retrouva un peu plus loin. A côté de lui, une corde pendait du plafond. Elle venait de nulle-part...du noir ! Le blaireau rassura le chamois. Il lui expliqua le maniement des bloqueurs. Vaillant, le chamois ne se laissa pas impressionner. Il entama la remontée sur corde et s'enfonça dans le noir, un peu intimidé quand même par ce milieu, pour le moins surprenant. Le chamois suivit les recommandations de progression. Il avait pleine confiance en son ami le blaireau. Au fur et à mesure de son élévation, avec surprise, il découvrit les attraits de la grotte. Le parterre boueux qu'il avait quitté faisait place à de merveilleuses concrétions de calcite, dessinant des renflements de mille formes. Par endroit, l'eau avait construit des petits bassins à l'eau limpide. Par là, une mini cascade sourdant de derrière un rocher. Par ici, une paroi blanche immaculée comme de la neige. Le chamois s'élevait sur la corde, fasciné par ce monde qui lui était inconnu auparavant. Au sommet de la cheminée qu'il remontait, il revint de ses rèveries et s'arrêta au départ d'une nouvelle galerie. Le blaireau le rejoint et le devança dans le boyau. Avec ses grandes pattes, le chamois était malhabile. Il lui fallait bien plus se tordre pour faire progresser son long corps. Attentionné, le blaireau l'encourageait et le conseillait. « Et voici une autre corde qu'il faut à présent descendre ! Dans quelle aventure me suis-le laissé entraîner ? » pensait le chamois. Un peu plus loin, il ne regretta pas sa persévérance : le petit boyau faisait maintenant place à un grand puits, profond et large, et dessiné sur ses bords par de magnifiques stalactites. Par la voix, le blaireau sonda la grandeur de l'endroit. Quelle sonorité ! On se serait cru dans une cathédrale. Et tout ça creusé par l'eau. Là, le chamois était un peu impressionné. Le blaireau savait-il vraiment ce qu'il faisait ? Il était bien à son affaire. Sous terre, il s'y sentait, probablement aussi bien que le chamois sur son arête. Accroché à la corde par son descendeur, il s'enfonça dans les profondeurs terrestres. Et là encore, suspendu dans le vide, le chamois fut ébloui par les sculptures souterraines. Il freina sa descente afin de profiter plus longuement de l'émerveillement. La suite fut moins glorieuse pour le chamois. Il fallut ramper dans une galerie basse et boueuse, enjamber des blocs glissants pour enfin s'extraire du boyau et pouvoir enfin déployer les pattes. Dans cette grande salle, une dernière surprise nous attendait : une stalactite de glace sortie d'une fissure du plafond formait une colonne s'évasant sur sa base. Son aspect lisse et translucide contrastait avec les rochers.
Le blaireau et le chamois ressortirent de la grotte du Glacier. Quel plaisir aussi de retrouver le grand air et la lumière... et l'arête des Gais Alpins.
Cet échange de connaissances et de compétences fut fantastique. Deux courses : accompagner puis se laisser accompagner. S'émerveiller de nouvelles découvertes et émotions. Peut-on être blaireau et chamois à la fois ?
Merci à tous
Phil, le 05 juin 2023
Blaireaux : Maud, Manu, Philippe
Chamois : Alexandre, Chantal, Maud, Kevin, Sybille